Cette interview du frère Michel a été publiée dans le trimestriel Frère de l'Aube, au mois de décembre 2005. Une version online de ce périodique est en réflexion. En attendant, un site transitoire peut être consulté à l'adresse suivante : http://www.freredelaube.info

1. La Révélation d'Arès

Frère Michel, vous abominez les journalistes. C’est en tout cas ce qui se dit dans la grande famille des pèlerins d’Arès. Certains pensent que leur mouvement serait mieux connu du public, si vous ne teniez pas les media à l’écart.

Je n’ai pas toujours tenu les media à l’écart. Je n’ai pas davantage été sans réagir à leurs racontars. En fait, les relations avec les media, ce n’est pas simple, quand on est seul sans l’aide d’un agent ou service de presse.

Ceux de mes frères qui regrettent l’absolue réserve que j’observe aujourd’hui à l’égard des journalistes sont relativement nouveaux, je pense. Ils ignorent les mises en boîte et les mensonges qu’une partie de la presse nous a fait subir et le silence obstiné d’une autre partie depuis trente ans. Ceux qui s’imaginent qu’un événement comme La Révélation d’Arès et le mouvement d’espérance des Pèlerins d’Arès ne peuvent pas être ignorés ou méprisés très longtemps se trompent.

Peut-être vous y êtes-vous mal pris ?

Possible. Je n’ai personnellement jamais été formé aux relations avec la presse. Seulement, depuis trente ans, en dehors de moi, d’autres Pèlerins d’Arès ont recherché et ont parfois obtenu des contacts avec les journalistes. Ils n’ont pas obtenu des résultats plus favorables. Il est vrai qu’on comprend mal pourquoi, parce que La Révélation d’Arès est un livre d’une haute tenue morale, un type d’événement qui, qu’il plaise ou non, est chargé d’une certaine force d’irrésistibilité. La Révélation d’Arès, par le train d’idées nouvelles qu’elle a fait sortir, ou ressortir, du tunnel en 1974 dans le domaine spirituel et éthique, et par le chemin qu’elle a fait parcourir à ses partisans — les Pèlerins d’Arès existent et ont déjà une histoire —, on tend à se frotter les yeux, à se dire qu’il n’est pas possible que le public n’en soit pas informé honnêtement. Et puis, en réfléchissant, on admet que les intérêts qu’un tel livre menace, s’il prend son envol, ont tout intérêt à en étouffer l’existence.

Tous les journalistes obéiraient-ils à une consigne d’étouffement, un mot d’ordre occulte, mais contraignant, étendu à toute leur profession ?

Oui, ça paraît évident. Ceci dit, vous avez dit que j’abominais les journalistes. Faux. Les journalistes sont des frères humains qui ne m’inspirent pas d’abomination, mais une extrême prudence. J’ai toujours dit que je plaignais les journalistes de faire un métier comme le leur, mais je pourrais en dire autant d’autres professions qui astreignent leurs personnels à l’hypocrisie, aux mensonges et préjugés corporatifs, au recours à des tournures de pensée stéréotypées, à l’acceptation d’une censure effective ou tacite. À ces fautes, qui deviennent des forfaits ou des trahisons quand il s’agit de gens censés être vrais et objectifs, on peut ajouter aujourd’hui le bâclage ou la négligence, parce que les journalistes ne vérifient plus grand chose.

Vous n’abominez pas les journalistes, mais vous êtes quand même dur avec eux. Vous disiez que vous n’aviez pas toujours tenu les media à l’écart. Quelles ont été vos relations avec les journalistes ?

De 1974 à 1985, les journalistes faisaient l’effort de me rencontrer. Au début, ils donnaient l’impression de penser que La Révélation d’Arès serait un déjeuner de soleil et ils venaient me voir avec la légèreté de gens qui ne risquaient pas grand-chose à dire deux mots d’un événement éphémère. Leurs « papiers » n’étaient pas dithyrambiques, mais le ton était badin. Un peu plus tard, le mouvement d’Arès étant en progrès, je les sentis crispés, mais les règles semblaient encore exiger d’eux qu’ils n’écrivent pas sans faire de reportage. Aussi évitaient-ils de se présenter avec un regard de loup. Pour être reçus — ils ne prenaient jamais de rendez-vous —, ils arrivaient avec un sourire et des mots sympas. Ils repartaient avec un au revoir, chaleureux. Quand ensuite je les lisais, ils avaient tout déformé, tout rendu négatif ou ambigu, bref, ils m’avaient massacré. Je protestais, mais toujours en vain. Je compris que, quel que fût l’intérêt que La Révélation d’Arès ou ma personne inspiraient personnellement à ces journalistes, il leur avait été assez vite interdit d’en dire du bien et peut-être même prescrit d’en dire du mal.

De 1985 à 1995, les journalistes ne sonnaient plus à ma porte. Il leur arrivait de téléphoner pour parler un peu avec moi, mais ce que je disais n’était pas pris en compte : Leurs articles étaient négatifs, ou mensongers, mais je cessais de protester — À cette époque j’étais noyé sous la tâche, notamment le courrier, je manquais de temps —. Je me consolais de ma passivité en pensant que mon silence était sagesse. Ça, je le regrette aujourd’hui. Je pense qu’on devrait toujours réagir aux railleries et démentir les bobards journalistiques, même sans recevoir de réponses, mais en espérant que ces protestations soient conservées dans les archives des rédactions. En restant totalement silencieux pendant quelques années j’ai peut-être laissé s’incruster davantage certains racontars négatifs.

De 1995 à 2005, les journalistes n’ont même plus téléphoné. Ils ont généralement procédé en copiant les uns sur les autres les mêmes âneries ou calomnies devenues des lieux communs. Quelle bonne opinion pourrais-je avoir des journalistes ?

Et les auteurs de livres, les écrivains ?

Les écrivains ? C’est un peu la même chose. À ma connaissance, entre vingt et trente livres — probablement davantage — parlent peu ou prou de La Révélation d’Arès et de son témoin. Sauf Jean-François Meyer, qui a fait son métier de chercheur avec rigueur, et Jean Vernette, qui révisa la vision qu’il avait de moi après quelques échanges, aucun auteur de livre ne m’a contacté avant d’écrire, d’aucune façon. J’ai réagi contre les affirmations négatives ou fantaisistes, quand j’ai pu en avoir connaissance, mais je n’ai jamais reçu de réponses d’auteurs qui m’avaient discrédité sans même me connaître.

Pour en revenir aux journalistes, certains sont quand même honnêtes.

Oui, mais ceux-là ne publient rien sur La Révélation d’Arès et son témoin. Le silence est la seule forme d’honnêteté qu’ils semblent en droit de respecter. Dans les années 80, j’échangeai quelques lettres avec un membre du directoire du groupe Express. Une de ses lettres me dit à peu près ceci : « La seule chose que ceux (les journaliste) qui vous estiment peuvent faire pour vous, c’est se taire. Il y a des vérités qu’un journaliste ne peut évoquer sans se suicider professionnellement. Il ne peut jamais dire du mal de certaines personnalités religieuses : Le pape, le dalaï lama, le grand rabbin de Jérusalem, etc., même s’ils agissent mal, et d’autres dont il ne peut jamais dire du bien, même s’ils agissent bien. Frère Michel, vous êtes de ceux-là, malheureusement. Se taire, c’est le meilleur hommage qu’un journaliste puisse vous rendre actuellement. »

Ce journaliste-là n’accusait quand même pas de mensonge ceux de ses collègues qui vous mésestiment. Peut-être que ceux qui parlaient de vous négativement ne vous prenaient pas au sérieux ; ils déformaient sans penser à mal, à la manière des pitres.

Peut-être. Je réponds « peut-être » par charité, parce que je ne crois pas trop à la sincérité des déformateurs. Les menteurs et les déformateurs ont fait beaucoup de tort à La Révélation d’Arès et à son témoin et je crois que ce résultat a été recherché. Du reste, ce ne fut pas très difficile. On peut dire n’importe quoi contre des pèlerins d’Arès privés de moyens de répondre d’une envergure équivalente à l’envergure du tort qui leur est fait. De plus, notre éthique évangélique, si elle ne nous empêche pas de protester, nous porte à pardonner, à être pacifiques. Nous ne sommes pas des proies hargneuses.

Même quand les journaux ne peuvent pas éviter de publier des démentis, ils savent que ce qui est remarqué par le lecteur commun est tout ce qui est excitant et répugnant. Ils n’ont pas de mal à rendre inaperçu ce qui est propre et digne comme un démenti.

Oublions un instant les pèlerins d’Arès, quantité négligeable, pour noter que même des institutions-phares n’arrivent pas à rendre leurs démentis visibles. Un exemple récent : L’été 2005, un énorme bidonnage publié par « Newsweek », magazine de carrure
internationale, affirmait qu’à la prison de Guantanamo, où sont détenus des islamistes combattants, des gardes-chiourmes américains avaient déchiré et jeté un Coran dans la cuvette des vécés sous les yeux de prisonniers. À la suite de quoi, des émeutes d’indignation firent des victimes américaines en Afghanistan et en Irak. Le démenti de la Maison Blanche passa quasiment inaperçu, parce que le public ne remarque que ce qui salit l’administration US quand il s’agit de l’Irak ou de l’Afghanistan. Alors, imaginez un peu ! Nous, qui ne sommes pas l’administration US, nos démentis sont voués à l’invisibilité totale… quand ils sont publiés, ce qui est rarissime.

Il faut dire que quand les bidonnages arrangent les gouvernements, ceux-ci les accueillent favorablement et même les utilisent. Le bobard des armes de destruction massive de Saddam Hussein est parti de la presse en 2002.  Ceux qui se font une haute idée des valeurs journalistiques sont des naïfs.

La presse bidonne ou trompe, mais vous parliez d’autre chose : du refus d’informer.

C’est le bidonnage par abstention ! J’ai cité la lettre d’un grand journaliste, qui m’avouait son regret, presque sa honte, de devoir se taire concernant La Révélation d’Arès. Mais, une fois de plus, oublions un instant La Révélation d’Arès. Citons, dans le sillage d’un événement mondialement connu : l’ouragan Katrina à Nouvelle Orléans, la découverte d’un manquement typique des journalistes à leur devoir d’informer face à une situation sociale dramatique.

Ceux qui n’avaient pas pu fuir Nouvelle Orléans étaient des pauvres sans voitures ni argent pour payer le car ou le train, et sans réserves de vivres ou de pharmacie pour survivre en attendant les secours. Après l’ouragan, l’Amérique entière s’étonna que la presse ait toujours gardé le silence sur cette misère à Nouvelle Orléans. Les journaux durent alors donner la parole à des gens qu’ils avaient toujours fait taire. Le 9 septembre, un sénateur de Louisiane, Barak Obama, déclara au Capitole, Washington, à peu près ceci : « Depuis longtemps je demande à la presse de faire un grand reportage sur la misère en Louisiane. Elle ne l’a jamais fait. Aussi incroyable que ça paraisse, on a laissé l’Amérique ignorer que les miséreux de Nouvelle Orléans étaient depuis des décennies non seulement très nombreux, mais aussi victimes de la violence et du racket dans leurs quartiers, sans parler des écoles sous-équipées, des soins médicaux médiocres. Certaines rédactions, qui refusaient de parler de cette situation, me répondaient : Parler des pauvres fait fuir notre clientèle publicitaire. D’une part, les miséreux eux-mêmes n’achètent rien ; la publicité ne les touche pas. D’autre part, ceux que la publicité touche hésitent à acheter dès qu’on leur parle de misère, parce que la vue des pauvres gens leur donne mauvaise conscience. » Si ce n’est pas du silence journalistique bien calculé, ça !

Peut-être qu’un jour, de même, un événement aura lieu qui ne permettra plus de cacher au public qu’il existe un livre intitulé La Révélation d’Arès et des gens qu’on appelle pèlerins d’Arès, des honnêtes citoyens, porteurs d’un message digne d’intérêt et plein d’espérance pour le monde.

Vous venez de citer deux informations de grande presse : Le Coran théâtralement jeté dans les toilettes à Guantanamo et ce sénateur de Louisiane, qui accuse le presse américaine de pratiquer le silence. Vous vous intéressez donc bien au journalisme en dehors du cadre de votre mission.

Je ne m’intéresse pas au journalisme en tant que tel. Si j’observe l’attitude générale de la presse, imprimée, radiodiffusée ou télévisée, c’est pour me préparer à affronter, le jour venu, sa psychologie particulière sans me compromettre, mais sans la rebuter. Je sais que ça ne sera pas facile.

Depuis 1974 le comportement négatif de la presse n’a pas changé à l’égard de La Révélation d’Arès. Par contre, le comportement général des journaux et des journalistes s’est beaucoup détérioré. La presse, dans tous domaines, a pris de plus en plus de liberté avec la vérité et a presque abandonné tout effort de réflexion. La raison m’en paraît simple : La presse est devenue manifestement très mercantile. Pour assurer son chiffre d’affaires, elle est, quand c’est nécessaire — et c’est hélas souvent nécessaire — maligne et désinvolte. Le ragot se vend bien. De même, l’inquiétude, le mécontentement, le dénigrement, la terreur, le crime, l’abandon à toutes les faiblesses, se vendent mieux que la bonté, l’indulgence, la vertu, l’incitation à l’effort. Comme le bateleur de foire, qui hèle et flatte le public, mais qui ne pense qu’à la caisse de la baraque des monstres, le journaliste n’a que la caisse du journal en tête en présentant ses monstres du jour.

Pour ces raisons la presse, même télévisée, a perdu sa crédibilité, et la presse imprimée se vend de moins en moins. « France-Soir » est en faillite ! Qui aurait pensé que ça puisse arriver ? L’internet prend de plus en plus d’importance, mais il est le champion toutes catégories du mensonge, de la bêtise et de la médiocrité. Pour cette raison l’internet laisse encore à la presse, même douteuse, son rôle d’informateur. C’est pourquoi je dois me préparer à échanger avec elle, le jour venu, même si elle n’est plus aujourd’hui qu’un maillon de l’économie de marché.

Vous pensez que La Révélation d’Arès et les Pèlerins d’Arès auront peut-être quelque chose de bon à attendre des journalistes, mais que le moment n’est pas venu.

Exactement. Quelque chose, je ne sais quoi, contraindra peut-être la presse à parler sans malveillance de La Révélation d’Arès. Ce moment favorable pourrait être très bref. Raison de plus pour s’y préparer. Comme les journalistes ont perdu leur vocation sociale, il ne sera peut-être pas si facile de leur expliquer que La Révélation d’Arès est un important fait de société, qui ne fera pas fuir leur clientèle publicitaire.

Les journalistes ont perdu leur vocation sociale ? Pouvez-vous être plus précis ?

Il me paraît évident que les journalistes prêtent l’oreille aux encenseurs du système, du penser correct, parce qu’ils ne savent plus par eux-mêmes décrire ou comprendre la société. Ça signifie qu’ils sont pratiquement coupés de la société. En voici deux exemples de même nature : L’élection présidentielle en France, qui a vu la défaite presque ignominieuse de Jospin et la réélection scabreuse de Chirac, et la dernière élection présidentielle US qui a vu la réélection de Bush contre Kerry.

La presse de part et d’autre de l’Atlantique avait annoncé et préparé la victoire de Jospin en France et de Kerry aux USA. Preuve qu’elle était complètement coupée des réalités populaires, car si les journalistes étaient allés dans la rue, dans les bars, dans les familles, dans les réunions sportives, dans les églises, etc., ils auraient compris que les sondages se trompaient et ils en auraient informé le public. Au lieu de cela, ils ont
simplement suivi les sondages, sûrement truqués, et les rumeurs répandues par les congrégations du système.

Encore un mot à propos des émeutes parties de Clichy sous Bois. Qui peut croire que la presse est allée au fond du problème ? Le désintérêt des journalistes pour les réalités populaires profondes est ici évident, encore une fois. Un divorce entre eux et le peuple. Comment ces journalistes, qui ne voient pas ce qui crève les yeux dans les émeutes, verraient-ils le discret événement d’Arès comme un fait de société ? Il faudra bien, le moment venu, les aider à évaluer l’événement d’Arès à sa vraie hauteur. Il faudra bien aussi les convaincre que parler de La Révélation d’Arès avec honnêteté n’est pas la
prêcher.


2. Les salons du livres

Il semble que La Révélation d’Arès et son témoin rencontrent les mêmes problèmes avec les salons du livre.

En France, La Révélation d’Arès est actuellement refusée dans tous les salons du livre. En refusant la participation de La Révélation d’Arès et de son témoin, qui est aussi son éditeur, le système dans lequel nous vivons en France renforce le silence autour d’eux.

La Révélation d’Arès est éditée en Gironde, mais le Salon du Livre de Bordeaux l’a toujours refusée. Le Salon du Livre de Paris l’a acceptée plusieurs années puis, après le saccage du stand des éditions du Front National par des protestataires, la direction du salon en a profité pour écarter les éditeurs de livres prétendument susceptibles d’attirer des agitateurs. Comme si La Révélation d’Arès avait un rapport quelconque avec les éditions du Front National !

L’autodafé des idées qui ne paraissent pas françaises ?

Les organisateurs des Salons du Livre en France n’ont, quant à eux, pas la moindre idée de ce que dit La Révélation d’Arès, mais leur unanimité dans le refus de ce livre semble obéir aux consignes d’une sorte d’opus dei du penser correct. C’est comme si, en France, un comité de vigilance occulte recensait en permanence tout ce qui peut déranger l’establishment religieux, politique, académique, scientifique, artistique, et imposait à tous les media — les salons du livre sont des media — une liste d’ouvrages-clés à rejeter.

Et les salons du livre hors de France ?

Hors de France aucun problème. La Révélation d’Arès et les livres connexes, dont je suis l’éditeur, comme Le Pèlerin d’Arès, sont acceptés dans tous les salons du livre.

Le Salon du Livre de Genève, Suisse, fut le premier et continue à accueillir le stand de La Révélation d’Arès. Elle est également présentée par l’Association des Éditeurs dans d’autres pays : En Allemagne à Francfort (Frankfurt Bookfair). En Grande Bretagne à Londres (London Bookfair). Aux USA au BookExpo America de Los Angeles et à la Eastern Sociological Association de Washington DC. D’autres salons ailleurs ne demandent qu’à l’accueillir et nous ont fait des offres, mais malheureusement nous n’avons encore que les éditions française et anglaise — L’édition allemande est en cours de réalisation. Seule la traduction allemande est actuellement achevée —. Si pour l'heure (en 2005), en dehors de la Suisse nous faisons représenter La Révélation d’Arès par l’Association des Éditeurs, c’est parce que nous n’avons pas assez de frères parlant l’anglais ou l’allemand ou d’autres langues pour tenir les stands.

C’est incroyable, l’hostilité envers les idées qui dérangent en France.

Oui. Par surcroît, ceux-là mêmes qui vous refusent un stand dans les salons du livre français s’imaginent et proclament vivre dans « le pays de la liberté ». Ils sont surpris par leur propre impulsion de refus. En voici un exemple parmi d’autres :

Le Festival annuel du Livre de Mouans-Sartroux est bien connu. Il y a quelques années, ce festival m’avait demandé d’y ouvrir un stand. Je ne me souviens plus mot pour mot du manifeste moral édité par les organisateurs du moment, mais il était similaire à celui de 2005, qui me tombe sous les yeux : « Penser la terre, réagir aux grands courants dominants, aux fanatismes, aux égoïsmes planétaires, Questionner le monde… mais aussi les utopies, les espoirs les plus fous… » Il se trouve que La Révélation d’Arès et ses développements expriment absolument toutes les remises en question dont se prévaut le Festival du Livre de Mouans-Sartroux. Eh bien, nous avons été éconduits après avoir été invités. J’ai rencontré plus tard un organisateur de ce Festival. Il me dit à peu près : « C’est vrai, nous avons été les premiers surpris de devoir nous rétracter et vous exprimer nos regrets, » puis il s’enfuit avant que j’aie pu lui demander pourquoi. Mon explication personnelle reste celle-ci : C’est une permanente st ­Barthélemy des idées importantes qui dérangent, le massacre irrationnel de tout ce qui inquiète l’establishment.

Je crois qu’il y a là la preuve que La Révélation d’Arès est un livre très important.


3. La Maison des Faucons ou l’échec par indécision

Avec La Maison des Faucons, projet dont vous semblez tant regretter l’échec depuis bientôt deux décennies, nous passons d’un problème de société comme la presse ou les salons du livre à un problème interne de la grande famille des Pèlerins d’Arès.

Ce n’est pas tout à fait exact. L’assemblée des Pèlerins d’Arès ou petit reste est — ou cherche à être — le laboratoire de la vie changée (Rév d’Arès 30/11) ou du monde changé (28/7).

Donc, l’idée de La Maison des Faucons, comme tout ce que testent entre eux les Pèlerins d’Arès, était par nature reliée au projet général de société défini par La Révélation d’Arès. Cette idée, je l’eus pour les Pèlerins d’Arès et je commençai d’y réfléchir en 1981 ou 1982. Si La Maison des Faucons, comme son nom l’indiquait — le faucon (Rév d’Arès XVI/14-15, XIX/24, etc.) est le prophète et les faucons,par extension, sont les envoyés ou frères du prophète dans le monde —, était un projet adapté à la coordination spirituelle spécifique de notre famille de foi, elle pouvait constituer un test pour toute coordination dans le monde.

Pouvez-vous être plus clair ?

Les gouvernements — ce qu’on appelle encore gouvernements au sens autoritaire — sont appelés à disparaître. C’est un constat. Sur ce point on pensait, en 1974, que La Révélation d’Arès moralisait, mais aujourd’hui on voit qu’elle prophétisait. Depuis 1974 la France est de plus en plus ingouvernable. Voyez, par exemple, les échecs successifs de toutes les tentatives de réforme de l’enseignement. La France n’est plus gouvernée. Au mieux elle est gérée. À nous, Pèlerins d’Arès, de faire en sorte qu’un jour elle ne soit plus que coordonnée. La Maison des Faucons était un projet d’outil coordinateur qui, après une mise au point de dix, vingt ou trente ans chez nous, pouvait servir à toute société, même nationale.

Ceci dit, la Maison des Faucons fut simplement proposée en 1986 comme axe ou moyeu possible de la coordination interne de notre assemblée arésienne. Le moyeu fait allusion à la roue de la noria ; j’y reviens.

Autre chose montre a contrario — même si ça vous paraît inattendu — le caractère universel du projet de La Maison des Faucons : Son échec même ! Cet échec résultait déjà, à la petite échelle de l’assemblée arésienne, de la grande fatigue de la « démocratie de papa », comme l’aurait appelée De Gaulle. Échec par indécision, par incapacité de résoudre. On a vu cela, à l’échelle du monde, lors de l’élection très indécise de George W. Bush contre Al Gore en 2000 ou des élections allemandes tout aussi indécises de septembre 2005. Cette indécision ou cette insolubilité, qui est le mal qui frappe la démocratie, c’était déjà, je crois, ce qui causa l’échec du plan Maison des Faucons, avant même qu’il ait commencé.

Selon vous, l’avortement du projet Maison des Faucons ferait écho au désintérêt grandissant des populations moderne pour la « chose publique. » Cela me fait penser que, quand on parle de La Maison des Faucons à des pèlerins d’Arès, personne ne semble savoir de quoi il s’agit exactement. Certains haussent les épaules, même. On constate la même chose concernant la démocratie en général quand on évoque la question devant l’homme de la rue.

Je ne suis pas surpris d’entendre que les pèlerins d’Arès ignorent l’idée qui fondait La Maison des Faucons. Aucun pèlerin d’Arès, vraiment aucun, depuis 1987 ne m’a posé la question : La Maison des Faucons, qu’est-ce que c’était en réalité ? Cela m’a parallèlement appris que les quelques sœurs et frères qui étaient au courant du projet n’avaient rien transmis à l’assemblée, je veux dire, rien transmis en s’assurant qu’ils avaient été bien compris. Il n’y a pas longtemps que j’ai réalisé l’ampleur de cette carence. Je savais que l’indifférence générale au projet était venue de manière non débattue et non concertée, mais au moins je pensais que ce consensus négatif s’était formé en connaissance de cause. Il n’en avait rien été.

Curieux. En même temps ça prouve que les informations qui, s’imagine-t-on, devraient circuler d’elles-mêmes, par la seule force de leur importance, ne circulent pas, si l’on n’en ordonne ni n’en contrôle la diffusion.

Vous avez prononcé deux mots : ordonner, contrôler. Des termes de pouvoir, d’autorité, inapplicables à une assemblée où ne peuvent régner ni pouvoir ni contrôle. La Révélation d’Arès dit : Tu ne seras le chef de personne (Rév d’Arès 16/1), Tu ne commanderas à personne (36/19), etc. Ces préceptes instaurent la société sans chef, sans hiérarchie, bref, sans pouvoir. Par la Maison des Faucons je voulais justement doter notre assemblée d’un moyen de coordination fonctionnel que ne coiffait aucun pouvoir. En même temps je n’y suis pas parvenu parce que, dès le départ, un gros problème s’est posé que je ne pus pas surmonter faute d’en avoir le pouvoir. Il aurait fallu que l’assemblée m’offrit d’elle-même la solution, mais sans la Maison des Faucons elle ne le pouvait pas. Tout se noya dans ce dilemme, d’emblée.

Quant à moi, je peux seulement enseigner, conseiller, guider. Ce qui est déjà difficile avec un petit nombre, mais quand, dans le cas de La Maison des Faucons, deux parmi quelques indispensables quittèrent le petit nombre initial de réalisateurs et mirent le projet en échec, il aurait fallu pour rattraper le projet faire appel au vaste groupe qu’est l’assemblée. Ça ne pouvait pas se faire sans moyens de centralisation, sans mise en concurrence des nouveaux candidats possibles, sans décision autoritaire en cas de conflits, etc., autrement dit, ça ne pouvait pas se faire sans pouvoir.

Pour un grand nombre, écouter et suivre un prophète avec intelligence (Rév d’Arès 32/5), en toute liberté (10/10), de plein gré, voire même devancer, mais non obéir passivement, est un terrible challenge dans cette génération formée à la culture inverse dont le schéma est ordre/exécution. D’une part, parce que l’assemblée est faite de femmes et d’hommes qui, comme nous l’avons évoqué tout à l’heure, ne se sentent plus coopérants d’aucune entreprise communautaire ou nationale. D’autre part, et par voie de conséquence, parce que ma position dans la fraternité arésienne étant naturellement culminante, comme témoin de La Révélation d’Arès, l’assemblée est encline à attendre que je parle pour n’avoir qu’à suivre, mais quand j’ai parlé elle a peur que son approbation passe pour de la soumission, elle se paralyse.

En conséquence, et aussi longtemps que l’assemblée ne se sera pas complètement déculturée, n’aura pas revêtu sa nouvelle nature, son manteau neuf (Rév d’Arès 1/1), les pèlerins d’Arès ne sauront pas quoi faire de ce prophète, qui tient la perche et qui la coupe longue ou courte (Rév d’Arès XX/6), celui dont la parole est la parole du Créateur (I/12, II/18, etc.), celui qui est le père spirituel des Pèlerins d’Arès (XXXIII/14). Les habitudes culturelles font que les réflexes de mes frères ne sont déjà plus de soumission, c’est déjà ça de gagné, mais elles ne sont pas encore de participation ; alors elles sont d’impuissance.

Moi-même je n’ai pas toujours su comment m’y prendre. J’ai mis mon espoir d’être compris dans la bonne compréhension de La Révélation d’Arès par tous mes frères. Le temps a passé et cette compréhension s’est fait attendre. Elle se fera un jour, néanmoins, puisqu’il y a un temps pour tout sous le ciel (Bible : Qohélet 3/1+).

Nous voilà nageant dans un bain psychologique très inhabituel. C’est peut-être par là que la Maison des Faucons montre une problématique typiquement arésienne. Mais vous parliez d’un petit nombre initial de réalisateurs ?

Oui, en 1987, j’exposai l’idée à un petit groupe de réalisateurs possibles, des frères et sœurs que je connaissais particulièrement bien. Je m’attendais à ce qu’ils la fassent circuler. Il me semblait inévitable qu’ils le fissent, mais comme vous le soulignez en rappelant que la masse des Pèlerins d’Arès ignore tout de la Maison des Faucons, ou bien ça ne s’est pas fait, ou bien ça s’est mal fait, ou bien ça s’est fait, mais l’assemblée n’a rien compris ou ne s’est pas intéressée au projet.

Dans ce dernier cas, il y a sûrement là un parallèle avec la marée montante de ce curieux mélange de passivité et d’impassibilité des peuples face aux pouvoirs nationaux. L’idée de La Maison des Faucons était justement de pallier à cet inconvénient, notamment en coordonnant l’information dans l’assemblée et de l’assemblée vers l’extérieur, mais je ne m’attendais pas à ce que les plans de la machine coordinatrice fussent effacés avant même que son premier boulon fut posé.

Vous parlez de machine. Comment cette Maison des Faucons se présentait-elle au plan pratique ? Comment aurait-elle fonctionné ?

Pour comprendre comparons ! La société actuelle est une pyramide, avec le chef ou pouvoir suprême en haut, la hiérarchie répartie sur les niveaux et la masse à la base. C’est ce que La Révélation d’Arès rejette clairement. J’avais donc prévu de donner à la société arésienne le principe tout différent de la noria, la roue à godets, qui tourne. Les frères en auraient été les godets pour se répartir tour à tour l’action sans que personne ne domine jamais.

Physiquement, j’avais prévu de construire à Arès un bâtiment carré ou rectangulaire autour d’un patio. Tout autour du patio les locaux : le logis d’un frère gardien permanent, une bibliothèque, un local d’archives, des salles de travail et de réunion, une salle de prière, une salle à manger-cuisine, et des chambres dans lesquelles se seraient succédés, par sessions, des sœurs et des frères venus de partout pour de courts séjours afin d’étudier, travailler, méditer et prier. Comme la noria tourne sans cesse pour irriguer des cultures qui, elles, changent d’état au cours de l’année, la noria incessante des sœurs et frères à Arès aurait été appelée à régler les problèmes qui eux changent sans cesse au cours de l’année. Les frères présents au moment de tel problème auraient réfléchi sur ce problème et je les y aurais aidés en leur rappelant les références possibles de La Révélation d’Arès au problème en question, ce qui en même temps leur aurait apporté un enseignement. Voilà l’idée en résumé.

Les sessions auraient été des petites fournées de cinq à dix sœurs ou frères venus passer une semaine ou deux auprès de moi au début, puis ensuite, par roulement, les plus expérimentés auraient formé les nouveaux, et ainsi de suite. Au bout de l’année quelque 150 à 200 Pèlerins d’Arès seraient venus pour mieux connaître La Révélation d’Arès, mieux se faire connaître, mieux me connaître, mieux comprendre la prière, la mission, ses problèmes face à un monde très complexe, etc. Cette belle noria toujours en mouvement nous aurait apporté une belle Eau en mouvement perpétuel.

Ces sœurs et frères seraient repartis dans leurs régions pour y transmettre ce qu’ils auraient appris à La Maison des Faucons, laquelle aurait donc eu son prolongement dans toutes nos missions. Bref, ce système me paraissait garantir un bon apprentissage et une bonne gestion de l’ensemble des Pèlerins d’Arès par eux-mêmes sans fixer de hiérarchie.

Comment l’échec s’est-il présenté ?

Le projet avait à peine commencé quand il avorta. Concrètement, il n’était pas allé très loin. Des terrains constructibles avaient été visités, une entreprise de bâtiment contactée, rien de plus. Après que le petit groupe de réalisateurs volontaires et moi, nous en eûmes parlé et débattu, et même beaucoup parlé et débattu pendant quelques mois, deux des réalisateurs engagés se retirèrent du projet de façon tout à fait inattendue. Pour des raisons personnelles. Or, ils formaient à eux deux une des conditions de la réussite. Le sujet disparût très vite des conversations jusqu’à ce que je compris que les réalisateurs restants n’en reparleraient que si je l’imposais d’autorité. On passerait alors à un tout autre état d’esprit, contraire à l’esprit même du projet — Tu ne seras le chef de personne… Tu ne commanderas à personne  —. Je dus me taire, moi aussi, sinon tout aurait été faussé. Pendant un temps j’espérais que d’autres viendraient à moi et me diraient : « Nous reprenons l’idée avec vous, » mais cela ne se fit pas. Le projet se liquéfia ainsi, comme glace au soleil. J’ai expliqué pourquoi tout à l’heure.

Pensez-vous qu’il soit trop tard pour relancer le projet ?

À l’époque du projet j’avais 57 ans. J’avais déjà souligné qu’il fallait sans tarder mettre le projet à exécution pour se donner le temps de le mettre au point. Vingt ans, ce n’était pas trop pour expérimenter une noria coordinatrice, tournante, qui, étant sans précédent ni référence — même les apôtres de Jésus ne s’étaient pas reliés entre eux de cette façon —, présenterait d’inévitables problèmes. Je n’ai plus l’âge ni le temps de m’y consacrer moi-même.

Sans la Maison des Faucons ou sans les pis-aller, plus banals et limités que je proposai ensuite — collectif de fonctions, comités de mission, etc. —, le problème d’un interenrichissement épanouissant reste irrésolu dans notre assemblée de foi.


4. « N’être le chef de personne » (16/1) : acte de foi et invitation à la conscience collective

L’observateur qui vous approche est vite frappé par votre isolement. Pour cette raison — mais vous le savez sûrement — on entend dire que le mouvement d’Arès ne vous survivra pas. On dit que le fondateur, trop seul, ne peut pas transmettre le feu sacré qu’il a reçu. Il publie, mais ses écrits fixent seulement des idées, alors que la foi, n’importe quelle foi, c’est bien connu, implique une part vivante, une expérience, qui n’est transmise que par présence ou contiguïté. C’est ce que vous aviez parfaitement compris en pensant à la Maison des Faucons. L’absence de La Maison des Faucons n’a donc pas seulement privé les pèlerins d’Arès d’une noria coordinatrice pour développer, harmoniser, interenrichir (comme vous dites) leur foi et leurs activités. Cette absence a privé de la participation de tous, ou au moins d’une aide indispensable, le témoin de La Révélation d’Arès, qui n’aura qu’une seule vie sur terre et qui a un témoignage tellement important à rendre dans le monde.

N’exagérons rien ! La plus forte résistance opposée à l’accomplissement de La Révélation d’Arès n’est pas intérieure, mais extérieure, dans le monde qu’il nous faut ré­évangéliser. Les pèlerins d’Arès ne forment pas une confrérie fermée, mais une fraternité d’apôtres libres et actifs qui n’a pas de sens sans apostolat. Cette mission pourrait être plus efficace, mais elle s’accomplit. L’échec de la Maison des Faucons n’a pas coupé le moteur missionnaire.

En l’absence de la Maison des Faucons, c’est vrai, nos groupes et nos beaucoup plus nombreux isolés ou reclus ont du mal à développer leur foi, leur pénitence et leur moisson d’autres pénitents. Moi-même je ne suis pas mieux loti, seul pour vivre ma foi et travailler à ma mission. Mais il n’y a pas rupture entre les frères ni entre les frères et moi. L’échec de la Maison des Faucons n’empêche pas l’assemblée d’exister. Les choses évolueront seulement beaucoup plus lentement. C’est cela que je regrette, parce que je vieillis et que je me dis que c’est dommage, parce que j’aurais pu beaucoup donner. L’essentiel est sauvegardé : une assemblée libre (Rév d’Arès 10/10) sans chef (16/1) ni dogmes — c.­à­d. sans docteurs qui bavardent (Rév d’Arès 32/6) —. C’est capital.

Les choses évolueront beaucoup plus lentement, parce que des pénitents peuvent exister individuellement ou en petits groupes, mais tant qu’ils n’uniront pas constructivement, créativement, leurs pénitences, la pieuse gente, dont parle Le Livre, n’existera que sur le papier ou au téléphone et le mal (la raie) et ses guetteurs (Rév d’Arès XLV/13-16), qui dominent le monde, ne seront pas contrés aussi efficacement qu’il serait souhaitable.

Mais votre solitude ? Votre solitude prive le mouvement arésien d’une voix irremplaçable.

Contre cette réalité on ne peut plus grand-chose, je crois, mais je ne gémis pas sur ma solitude. Je la regrette tout en restant un homme de forte espérance. Je sais qu’il faut le temps d’arriver à des solutions (Rév d’Arès 12/6) et qu’on peut mourir avant, mais que d’autres viendront, qui trouveront ces solutions plus tard. Si j’ai maronné ici et là devant l’absence d’interaction entre moi et mes frères depuis 1987, je me suis aussi efforcé de positiver en montrant l’exemple d’une activité solitaire et de ses possibilités.

Dès 1974, quand je compris que, par la voix de Jésus, le créateur recommandait un petit reste sans chef ni commandement, donc un peuple conduit par sa seule conscience, je compris qu’un gros problème de création sociale se poserait. Parce que la société n’a jamais fonctionné comme ça, sauf à l’échelle d’une famille ou d’une toute petite tribu, et encore ! C’est un domaine où nous avons à créer, à beaucoup créer. Dans cette génération et dans les générations futures.

N’être le chef de personne (Rév. d’Arès 16/1), c’est un acte de foi. Acte de foi contre tous ceux qui seraient tentés d’être chefs et contre tous ceux qui demandent des chefs. Un acte de foi créatrice, créatrice de soi-même, donc quelque chose de difficile à réaliser, comme la pénitence, comme la moisson, qui rendent l’homme maître de sa propre rédemption sans chef ni dogmes. Rédemption qui peut aller jusqu’au changement du monde (28/7).

La Révélation d’Arès n’appelle pas à la foi point final, comme la foi mise dans la croix rédemptrice ou la foi mise dans le paradis par l’observance des cinq piliers de l’islam. Elle appelle à la foi dans l’effort — ici je me répète, mais c’est très important —, dans l’effort qui donne le salut à l’individu et au monde, l’effort de liberté (pas de chef), l’effort de bien (la pénitence), l’effort d’amour (la moisson). Ici, La Révélation d’Arès nous entraîne à un niveau très supérieur de la conscience de foi. C’est bien une authentique révélation en cela qu’elle fait renaître l’homme en tant qu’humanité aussi bien qu’en tant qu’individu.

J’insiste à mon tour : Au plan pratique, vous avez quand même été laissé dans la solitude. Votre assemblée n’est pas seule privée de vous, elle a privé de vous le monde entier, parce que vous ne pouviez pas entreprendre votre mission universelle sans cette assemblée. Ce n’est pas la solitude d’un philosophe, mais la solitude du prophète.

Eh bien, j’ai fait avec la solitude. Un peu moins en 1988, 1989 et 1990, grâce aux activités de L’Œil S’Ouvre, association dont je fus l’initiateur en 1988 juste après l’échec de La Maison des Faucons. En mon for intérieur j’espérais à travers L’Œil S’Ouvre compenser en partie l’absence de la Maison des Faucons par une voie missionnaire, qui était aussi une sorte de fête pour les pèlerins d’Arès — Vous savez, l’éducation par la joie (rire) —. Malheureusement, cette activité fut stoppée par l’annulation de la mission L’Œil S’Ouvre en 1991, nos frères de Paris ayant perdu leur local de la rue Neuve Popincourt. Il était impossible de procéder à une telle mobilisation de l’assemblée et à de telles dépenses financières sans un endroit convenable pour en accueillir les retombées. Ensuite, j’eus de graves problèmes de santé en 1992 et1993 — Je fus opéré deux fois et je dus passer six mois au lit cette année-là —. Pour finir, l’enthousiasme de l’assemblée pour L’Œil S’Ouvre retomba.

Un frère n’a-t-il pas proposé que L’Œil S’Ouvre soit repris à la fin des années 90 ?

Oui, et je lui donnai mon accord dans les 48 heures, parce que je savais qu’il fallait faire vite. Des mois et des mois après la préparation n’était pas achevée. J’ai pourtant relancé plusieurs fois l’organisateur. Je l’ai pressé pour deux raisons. La première : À 70 ans, je me sentais vieillir, je savais qu’il me serait de plus en plus dur de faire face au grand public. La deuxième : C’était la pleine période de chasse aux sorcières — campagne contre les « sectes » —, et en lambinant nous donnions à nos ennemis le temps de nous préparer une magistrale provocation. Après plus d’un an et demi, la préparation étant toujours en panne malgré mes adjurations, j’ai estimé qu’il fallait épargner aux Pèlerins d’Arès l’épreuve d’une provocation publique, plus que probable, à laquelle ils n’étaient pas prêts. Ça nous serait retombé sur le nez, de toute façon. La police aurait dit : Les pèlerins d’Arès sont des braves gens, mais ils attirent les agitateurs, qu’ils sont incapables de contenir, il faut leur interdire les grandes manifestations publiques. J’ai annulé.

J’ignore pourquoi les choses avaient tant traîné, mais j’ose imaginer que le problème pour l’organisateur avait tout bonnement été le problème de la coordination. Voilà bien une grande et regrettable démonstration de ce dont l’échec de La Maison des Faucons nous a privés.

Vous avez quand même réussi seul la mission américaine, preuve qu’avec la volonté et le travail on peut quand même faire beaucoup.

Réussi est un grand mot. Disons que j’ai permis à La Révélation d’Arès de poser le pied sur un petit coin de l’immense territoire américain : la côte Est. Je n’y suis pas parvenu seul, un frère de Genève m’a apporté son concours précieux avec un dévouement incomparable. Il aurait fallu être plus nombreux. J’ai cherché de l’aide dans l’assemblée, mais ceux qui parlaient anglais n’étaient pas disponibles pour les USA.

Parlez-nous un peu de cette mission américaine.

Je ne peux pas entrer dans les détails d’une tâche à laquelle j’ai consacré dix ans par intermittences. Laissé seul dans mon coin après l’échec de la Maison des Faucons, puis la panne de L’Œil S’Ouvre, je me suis dit que je ne pouvais pas rester les bras ballants.

Je me suis mis à la traduction anglaise de La Révélation d’Arès. L’anglais étant la première langue mondiale parlée sur l’aire de mission qui m’était fixée (Rév d’Arès 5/5-7) et les USA étant le pays anglophone par excellence, je me donnai comme objectif d’y faire circuler ce grand message. Une fois l’édition bilingue réalisée en 1995, ce fut le presque irréalisable travail de diffusion dans un pays immense.

On n’en finirait pas de raconter tout ce que nous avons dû, ce frère suisse et moi, apprendre et expérimenter des coutumes commerciales de l’édition, de la diffusion, de la librairie et de la publicité littéraire aux USA. La tâche fut d’autant plus ardue que nous arrivions au moment où la librairie individuelle disparaissait dans le pays au profit des grandes chaînes. Le redoutable écueil que pose une grande chaîne, c’est sa politique centrale. Si l’une de ses succursales importantes refuse votre livre, ce sont en fait 100, 200 ou 300 points de vente qui, par imitation, vous sont fermés ! Il faut donc trouver les quelques franchisés ou gérants de succursale d’esprit assez indépendant pour accepter votre livre. L’aiguille dans la botte de foin. On ne s’en est pas trop mal sorti quand même, eu égard aux problèmes.

En même temps, les églises américaines réagissaient, surtout les grandes églises protestantes : baptistes, évangélistes, méthodistes, etc., dont les élites prenaient connaissance de La Révélation d’Arès et réalisaient immédiatement la révolution de souplesse, d’amour, de libération ou indépendance spirituelles que La Révélation d’Arès venait opposer à leurs doctrines messianiques rigides, souvent sectaires. Peu à peu j’acquis une idée pratique de la foi de ces gens-là, qu’aucun livre ne peut vraiment décrire, dans ses multiples variantes. Je découvris leur virulence dogmatique. Jamais je n’avais autant été traité de satan ! Je réalisai chaque jour un peu plus lucidement à quel troupeau de dinosaures j’étais venu m’attaquer.

Peut-être le côté surnaturel de La Révélation d’Arès rebutait-il ces protestants, pas très portés sur le merveilleux ?

Parfois oui, mais pas de façon générale. J’eus même souvent l’impression que si c’était Jean Calvin qui m’était apparu, ils auraient parfaitement accepté l’événement surnaturel. Mais Jésus venu dire que la doctrine traditionnelle chrétienne — trinité, Dieu incarné, rédemption par la croix, salut par la foi et non par les œuvres — était une erreur ! Alors là, je n’avais pu voir et entendre que Satan. Mais bon ! C’est la mission.

Quelques confrontations m’ont permis de réaliser qu’il me fallait faire passer l’événement à travers un livre moins rebutant que cette très docte édition bilingue de La Révélation d’Arès, que j’avais réalisée en 1995. Une édition de vulgarisation. J’en ai interrompu la préparation pour aider Frère de l’Aube à prendre une direction spirituelle, mais je vais m’y remettre en 2006.


5. La vraie vie spirituelle ou l’espérance aux effets immédiats

Vous avez dit que la foi des pèlerins d’Arès, ou foi arésienne, était une foi d’effort. D’effort sur soi. Être un athlète de la vertu pour gagner son salut éternel, ce n’est pas à la portée de tout le monde. Le croyant moyen tend à trouver ça injuste, comparé à la simple adhésion morale et cultuelle que demande la religion en échange du salut éternel. De plus, pour les moissonneurs, que sont les pèlerins d’Arès, ce n’est pas un thème de mission facile. La liberté spirituelle selon La Révélation d’Arès n’est facile qu’en apparence.

C’est facile en apparence, en ceci qu’on n’a aucun compte à rendre à une religion ou à une morale. Pas de compte à rendre à un chef ou à une loi sur terre, ni même au Père de l’univers au ciel (Rév d’Arès 12/4). Bref, personne, ici bas ou là-haut, ne punit ou ne récompense personne, parce que ce n’est pas ainsi que le destin de l’âme se déroule, mais l’apparence de facilité s’arrête là.

C’est l’homme lui-même qui crée ou qui ne crée pas son âme et qui la fait ou ne la fait pas évoluer (Rév d’Arès veillées 17 & 18), qu’il en soit inconscient ou conscient, qu’il soit incroyant ou croyant. Croyant et conscient ! Là surgit la difficile réalité, quand la conscience se réveille — La Révélation d’Arès vient la réveiller — et quand l’homme cesse de vouer son destin au hasard de sa propre nature, bonne ou mauvaise, et décide de ne plus être que bon, uniquement et consciemment bon.

Comportement bon, conséquences bonnes (l’éternité pour la gloire, 37/9). Comportement mauvais ou médiocre, conséquences mauvaises ou médiocre (les ténèbres 33/32). Mais c’est surtout dans l’autre monde que ces conséquences se révèlent concrètement, parce que, pour nos générations, le péché a tellement abrégé la vie terrestre que l’homme peut rarement constater sur lui-même en ce monde les bienfaits de sa vertu ou les méfaits de son péché, encore que cela arrive — « Le Portrait de Dorian Gray » n’est pas si fonctionnel que ça —. En somme, on emporte avec soi ce qu’on a mérité. En ce monde, les références de l’homme sont seulement le bien ou le mal, qu’il en ait ou non conscience.

Vous parlez de l’homme en général, mais c’est La Révélation d’Arès qui nous intéresse ici.

Au contraire de la Bible et du Coran, que la religion substitue à la conscience du croyant, La Révélation d’Arès réveille la conscience de l’homme, mais ne s’y substitue pas. L’important selon La Révélation d’Arès, c’est la vie spirituelle en faisant naître l’âme. Être bon, fuir le mensonge et le mal, aimer, pardonner, bref, être pénitent crée l’âme qui, ainsi née et entretenue, ajoute sa vie propre à celle de l’homme et lui inspire une vie spirituelle, qui n’a pas de règles strictement préconçues, parce qu’elle épouse la personnalité de l’homme qu’elle complète (Rév d’Arès 17/7). Mais La Révélation d’Arès n’oblige personne à être pèlerin d’Arès. Personne ne risque la damnation s’il ne lit pas La Révélation d’Arès ; il risque seulement de ne pas être logique avec lui-même. Ce n’est pas ce que disent les religions qui exigent que soient vénérés la Bible et le Coran, faute de quoi on est damné.

Qu’est donc un pèlerin d’Arès, alors ?

Être Pèlerin d’Arès, c’est accepter un destin particulier d’homme de bien au milieu de milliards d’hommes de bien, qui ne savent même pas que La Révélation d’Arès existe, mais selon une dynamique qui ajoute à la quête de la vertu personnelle la participation au changement ou salut du monde (28/7). Les Pèlerins d’Arès sont les agents volontaires de la vérité sous sa forme spirituelle la plus généreuse. Le petit reste qu’ils forment n’est pas un petit reste d’humains qui se croient seuls sauvés, mais qui ont conscience qu’en se changeant en bien ils changent toute la vie terrestre (28/7) Changer et sauver ont même sens dans La Révélation d’Arès.

La Vérité (28/7) que défendent les Pèlerins d’Arès est réellement et universellement miséricordieuse, alors que la religion prétend réserver la « vérité » et la « miséricorde » à ses seuls fidèles. Toutefois, entre la religion et la foi arésienne les choses ne sont pas aussi clairement simples et découpées. Pour comprendre revenons à l’idée d’effort. Comparons avec la religion abrahamique — Les autres religions : animisme, hindouisme, bouddhisme, taoïsme, etc. ne sont pas de notre domaine (Rév d’Arès 5/5­7).

Toute religion abrahamique : judaïsme, christianisme, islam, recommande à ses fidèles un effort de bien, de vertu ou de repentir comme le fait La Révélation d’Arès. Seulement, la place que la religion donne à cet effort a été amoindrie, relativisée, par rapport à l’effort qui redevient essentiel dans la source éternelle, créatrice, pure et dynamique que La Révélation d’Arès fait rejaillir. Dans toute religion abrahamique il reste très bien vu qu’un fidèle, à titre privé, ait bonté, charité et miséricorde, mais ce n’est plus depuis longtemps ce qu’exige d’abord la religion. Ce que la religion exige d’abord du fidèle, c’est l’effort de se soumettre à une adhésion morale et cultuelle totale, une soumission sans condition à son credo, à sa piété réglementée et à ses autorités cléricales, en échange de quoi elle promet que les portes du paradis s’ouvriront devant le fidèle quand il mourra.

Tout différemment, la foi arésienne par la voix de la seule conscience demande un effort de bien dynamique, évolutif, créateur, libérateur, dans l’individu et de l’individu dans la société. Chez les Pèlerins d’Arès on retrouve l’effort de bien et la soumission aux principes comme dans la religion, mais dans des proportions inverses. Dans l’assemblée arésienne il demeure très bien vu qu’un croyant, à titre privé, ait foi dans La Révélation d’Arès et pratique la prière, mais ce n’est pas par là que se développe l’existentialisme du croyant. La dynamique existentielle de l’homme du temps qui vient (Rév d’Arès 30/13), ce qui définit sa place dans le petit reste, c’est la pénitence, c’est changer sa vie (30/11), c’est être un homme ou une femme de bien et en même temps un moissonneur, qui récolte d’autres pénitents dans la perspective centrale qui est celle de La Révélation d’Arès : changer le monde en bien (28/27) et non le convertir à une religion.

Ne s’agit-il pas là d’un distinguo apparent ? La religion aussi a ses missions et tente de sauver le monde.

Non, c’est un distinguo fondamental. D’ailleurs, les différences pratiques sont déjà grandes. La passivité idéologique et cultuelle que la religion requiert ou exige de ses fidèles soumet ceux-ci au contrôle permanent de l’église ou de la mosquée ou de la synagogue. De là la multiplication de ces lieux de culte ainsi que des clergés, des rabbins ou des imams, dont les consciences sont les garants de la foi. Chez les Pèlerins d’Arès, c’est pour ainsi dire l’inverse, c’est la conscience du croyant qui est le garant de la foi. De là l’absence de lieux de culte, de clergé, d’obligations et de calendrier cultuels.

Et le pèlerinage d’Arès ?

C’est autre chose. Le pèlerinage d’Arès est un moment de ressourcement auquel le créateur lui-même a invité en 1977 (Rév d’Arès XLVIII/4). Le pèlerinage n’est pas obligatoire. Au contraire, il n’a de valeur spirituelle que consenti quand le pèlerin veut y consentir. Ceux qui ne font jamais le pèlerinage d’Arès sont les plus nombreux — par là on comprend mieux l’ineptie du sobriquet « pèlerins d’Arès » que le monde a donné à ceux qui croient en La Révélation d’Arès —. On est encore dans un domaine de liberté totale.

C’est pourquoi les pèlerins d’Arès se qualifient de croyants libres ?

Oh, mais ça va beaucoup plus loin. Il y a une énorme différence entre une humanité religieuse dont les espérances ont, si je peux dire, des effets différés et improuvés — paradis, repos éternel, etc. —, et qui pour l’immédiat n’a que sa foi, et une humanité de bien, dont les Pèlerins d’Arès espèrent former le noyau — le petit reste —, qui pratique le bien concrètement, qui aime, pardonne, fait la paix, ne juge pas, libère ses semblables. C’est beaucoup plus que la foi. Autrement dit, si vous êtes un homme de bien, vous l’êtes ici et maintenant, et librement, et ça se voit, ou vous ne l’êtes pas, ni sur terre ni dans l’au-delà.

La Révélation d’Arès dit, en somme, qu’un homme a la vie spirituelle immédiate, et librement, ou risque de ne jamais l’avoir. Ceci peut paraître ambigu. Je le formule autrement : Celui qui a conscience qu’il faut être bon, mais qui atermoie en disant : « Je serai bon demain, » détruit sa propre conscience. Le niveau de vie spirituelle peut ne pas être mesurable, mais la permanence d’intention ou d’effort doit l’être.

On peut encore dire les choses différemment : Ce que vous serez dans la mort ou dans les mondes sans heure (Rév d’Arès VI/1­4), dans l’univers du Père (12/4), c’est ce que vous êtes dans la vie terrestre, et le monde que vous souhaiteriez voir naître sur terre sera à votre image, que vous pouvez, par votre liberté, rendre semblable ou différente de l’image que le créateur vous a donné de lui-même (Bible : Genèse 1/27). La Révélation d’Arès nous projette dans une métaphysique profonde.

Dans la mort vous devenez, à coup sûr, ce que vous avez créé. Si c’est le bien, vous êtes le vaisseau qui fait voile sur la mer du créateur (Rév d’Arès V 17 et 18). Si c’est le mal, vous retrouvez ce que vous avez été vous-même, une ténèbre glacée (16/15, 33/33, etc.). Mais de ce que vous avez seulement cru, comme dans la religion, vous ignorez ce que vous emporterez ou n’emporterez pas : Qui sait qui est sauvé, qui n’est pas sauvé ? (11/3). Il faut faire le bien, mais pas seulement y croire.

La Révélation d’Arès nous éloigne tellement de la religion que l’effort mental que la foi arésienne demande semble insurmontable. Qu’est-ce que la vie spirituelle finalement ?

C’est la pénitence, je l’ai dit et redit. Et être pénitent, n’est-ce vraiment qu’accomplir le bien ? N’y a-t-il pas une relation avec la pénitence de l’église, allez-vous me demander ? Non, pas de relation. La pénitence, dont parle La Révélation d’Arès, n’est pas le remords ou l’expiation des fautes passées, mais simplement la lutte intérieure contre la tentation du mal, du mensonge, de l’égoïsme, de la haine, de l’envie, de la violence, et l’effort d’être bon. Ce que nous emportons dans la mort, c’est soit la vie de mal ou de médiocrité, soit la vie d’amour, de pardon, de paix, d’intelligence, de liberté, de vrai (l’horreur du mensonge), que nous nous faisons sur terre. Nous devons voir en nous ce à quoi à nous croyons.

Oui, mais aux yeux du commun des mortels, ce qui fait la beauté de la religion n’est-ce pas son « Croire sans voir » ?

Le Pèlerin d’Arès, lui, pense qu’il faut voir pour croire et faire voir pour faire croire. Il dit : Le monde ne croira que le mal peut être vaincu que s’il voit des hommes refuser de faire le mal et s’efforcer de faire le bien. Il dit aussi : Je ne crois à la possibilité de vaincre le mal et de faire le bien que si je me vois moi-même repousser les tentations du mal ou de la médiocrité et faire le bien.

Vous parliez de médiocrité tout à l’heure. Assimilez-vous médiocrité au mal ?

 J’appelle médiocrité le no man’s land entre bien et mal. Une forme molle ou paresseuse du mal, qui peut-être aussi une forme molle ou paresseuse du bien. L’indifférence, par exemple, est une forme du mal, ne serait-ce qu’en empêchant tout accomplissement du bien. Pour cette raison, ceux qui disent : Je n’ai jamais fait de mal à personne, mais qui pour autant n’ont jamais fait de bien à personne, sont des médiocres. Ils se rangent, sans le savoir, du côté du mal par passivité.

La religion n’a pas enseigné ces subtilités à ses fidèles. Sûrement par réalisme. Les notions de bien et de mal ne doivent-elles pas être très simples pour la masse ?

Faire de la psychologie de masse, c’est tout ramener au niveau des plus paresseux ou des plus médiocres. Si vous flattez les médiocres, vous ne pouvez pas souligner que la médiocrité est une forme du mal. La Révélation d’Arès nous demande de dépasser cet apitoiement de la religion sur l’homme rabaissé au niveau d’irrémédiable médiocre et pécheur, que la miséricorde seule pourrait sauver. Le créateur nous demande de convaincre nos frères humains que la vie spirituelle est à la hauteur de l’intelligence de n’importe qui. C’est une question de volonté d’être. Le faible lumignon qu’est devenue l’intelligence (Rév d’Arès 32/5) peut redevenir la lumière de l’œil du créateur (XXII/), que n’importe qui a dans sa tête — Tout homme sait qui je (le créateur) suis quand je lui parle (1/9).

Comparons ! Le christianisme dit : Quelles que soient vos vies terrestres, vous pouvez tous trouver le repos éternel, mais seulement si vous confessez que Dieu incarné en homme, le fils, est descendu du ciel et a souffert sur la croix pour vous sauver. L’islam traditionnel promet une récompense post-mortem similaire, le paradis, mais seulement contre votre soumission totale au Coran et aux cinq piliers de l’islam. En attendant, dans les pays chrétiens comme musulmans, la religion dit qu’il est normal que, malgré les efforts de quelques hommes de charité, la vie terrestre soit de compétition, de souffrance, de malheur,d’injustice, de guerres, etc. La religion ne prouve rien ici bas. Les consolations qu’elle promet sont ailleurs.

La Révélation d’Arès parle tout autrement. Elle dit que le bien ou la vie spirituelle ne se promet pas ; elle doit se vivre et se prouver ici même. Si, au début, ses preuves sont encore trop rares et trop faibles pour tenir lieu de preuve universelle, tous les efforts doivent tendre à élargir et renforcer cette preuve de génération en génération (24/2, 29/1). En d’autres termes, elle dit : « Croyez ce que vous voyez ! Si ce que vous voyez est révoltant, vous serez scandalisés et vous aurez raison (Rév d’Arès 28/4), mais alors poussez votre réalisme jusqu’au bout : Si ceux dont vous attendez le bien ne le font pas, alors faites-le à leur place ! Devenez des pénitents et votre pénitence fera de vous des hommes libres (10/10). Peu à peu vous vous passerez des pouvoirs dont votre conscience croit devoir dépendre. Vous deviendrez maîtres du Jour de Dieu (30/16, 31/8, etc.). »

La vraie conscience du bien est totalement libre des concepts que la religion, la politique et leurs morales ont du bien. À ces concepts religieux et politiques du bien La Révélation d’Arès donne un nom générique : la loi des rats (Rév d’Arès XIX/24), parce qu’ils sont toujours présentés sous des formes juridiques et que ce n’est pas la bonne Voie.

Mais loi des rats, c’est blessant. Comment y voir de l’amour ? Dans le monde on dit que que le langage de La Révélation d’Arès crée une situation conflictuelle.

Contrarier les concepts en place n’est pas manquer d’amour, n’est pas faire la guerre. Du reste, il s’agit plutôt d’humour.

De toute façon, le créateur ne parle pas pour rien. La Révélation d’Arès n’est pas une caresse ou un petit conseil en passant. Sa dynamique est mobilisatrice. Elle contrarie des intérêts en place, qui s’y voient attaqués. La vie spirituelle vraie ou l’espérance aux effets immédiats produira, c’est inévitable, une nouvelle race de conscience (Rév d’Arès 25/4) qui s’opposera à l’actuelle race de conscience(8/3). Mais La Révélation d’Arès prend soin de prescrire ce changement dans l’amour et la paix. Elle ne prépare pas d’insurrection violente, mais l’opposition d’une vision de l’homme du temps qui vient et de la vision que l’homme actuel a de lui-même.


6. Le baptême et la mémoire du sacrifice

La Révélation d’Arès parle aussi de rites. Où en êtes-vous sur ce plan ?

La Révélation d’Arès place le monde sous le seul effet spirituel, créatif, d’une nouvelle conscience du bien, une conscience chargée de le changer. Les rites dont elle parle, comme le baptême et la mémoire du sacrifice, ne constituent pas un culte destiné à chanter la gloire du très-haut, ou à s’attirer sa pitié, ou à produire une grâce, une force surnaturelle particulière. Ces rites ne sont que des signes. Des signes de changement. Comme les hommes ont des yeux, des oreilles, des sens, ils ont besoin de signes.

Il est vrai que, dans notre monde d’apparences, ces rites, quand ils seront pratiqués, auront un petit air religieux. À nous de leur donner plutôt un petit air de sagesse.

Pour l’observateur la religion est repérable par des rites. L’observateur superficiel ne verra pas grande différence entre la foi arésienne et la foi religieuse traditionnelle.

Les observateurs se trompent toujours. Une religion ne s’observe pas, elle se vit. À plus forte raison la foi arésienne qui n’est pas une religion. Une religion, n’importe laquelle, a nécessairement des rites, parce que c’est la seule chose qu’elle laisse ses fidèles approcher et, dans certains cas, pratiquer. Néanmoins, aucune religion n’est vraiment caractérisée par ses rites. Une religion est caractérisée par ses fondements dogmatiques, son exclusivisme typique, sa prétention à représenter l’unique vérité.

La foi arésienne n’est pas dogmatique, elle est tout l’inverse : évolutive, libératrice, et elle ne prétend pas être l’unique voie. Contrairement à la religion, elle peut tout à fait bien exister sans rites, ce qui est le cas actuellement.

Ceci dit, ce que La Révélation d’Arès prescrit directement, c’est uniquement une prière courte : Père de l’Univers (12/5, 33/12), qui dure quarante secondes, trois fois le jour, une fois la nuit. Ce n’est vraiment pas la marque d’une foi chargée de rites. Pour les autres rites, c’est à moi qu’elle demande de les établir ou prescrire (Rév d’Arès 10/1-11, 12/1, 20/9, etc.). J’insiste sur le fait qu’il ne s’agit pas du tout de sacrements au sens que l’église catholique donne au baptême et à l’eucharistie dans la messe. Le baptême et la mémoire du sacrifice arésiens sont seulement des moments d’attestation ou de confirmation. Pour le croyant ils ne signifieront rien de plus que ce qu’il murmure déjà chaque jour dans son cœur : « J’atteste ou je confirme que je suis bien le pénitent et le moissonneur que le Père attend que je sois. »

Mais vous n’avez encore rien prescrit.

Exact. Jusqu’à présent, j’ai été freiné par une crainte d’une part, une incertitude d’autre part.

La crainte : Sachant que la majorité de mes frères est d’origine chrétienne, j’ai craint l’effet malheureux sur eux de leur subconscient religieux, de la culture qui demeure au fond de beaucoup. Des méprises sont possibles : Le baptême (Rév d’Arès 20/1-9) subconsciemment confondu avec le baptême chrétien, dont le sens est différent. La mémoire du sacrifice (10/3-14) confondue avec le « sacrifice » de la messe, dont le sens est de même différent. J’attends le moment où notre déculturation sera suffisante.

L’incertitude : Combien parmi nous sont des pénitent et moissonneurs d’un bon niveau ? Combien se sont assez sacrifiés pour être dignes de faire mémoire du sacrifice, à l’image du sacrifice de la patience et de l’amour du Créateur pour sa créature (Rév d’Arès 29/3, 30/-16) ? Combien sont assez engagés dans la pénitence et la moisson pour s’administrer le baptême, qui est en fait un auto-baptême ? Je pense que notre assemblée est en bonne voie de compter un nombre intéressant de pratiquants des rites, mais je ne suis pas sûr que ce soit déjà le moment.

Un humain est-il jamais à la hauteur d’une mission comme la vôtre ? Pouvez-vous vous tenir pour responsable du retard des âmes que vous avez prises en charge à l’état brut, si l’on peut dire.

Quand Jésus me rendit visite en 1974, il m’a pris à l’état brut, moi aussi. Je souffre moi aussi d’imperfections. Ne m’idéalisez pas ! Je suis seulement un peu moins en retard que mes sœurs et frères.

Les pèlerins d’Arès forment, selon les mots mêmes de leur frère aîné (Rév d’Arès 16/1) une « anarchie de pénitents. »
Ils n’ont ni chef (16/1), ni dogmes ou lois (28/7-8, XIX/24).

Chacun cherche dans sa conscience, sous l’éclairage de La Révélation d’Arès, son propre chemin du bien, de l’amour, du pardon, de la paix et de l’intelligence spirituelle (32/5).

Croyants simples dans un monde complexe, ils ne sont évidemment pas sans problèmes. Certains de ces problèmes collectifs ou individuels sont ici commentés par le frère Michel.

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